Seul en scène

Le hasard, mon fidèle compagnon, qui connaît toutes les abréviations et inversions mieux

que n'importe quel GPS, m'a emmené, lors d’une flânerie de printemps, dans un quartier

moins affairiste ; un quartier rêveur, presque villageois, dans cette ville où je me trouvais par

hasard.

Le hasard, toujours lui, m’obligea à contourner un tramway accidenté. Et je me retrouvais

sur une place où de grands arbres cachaient une récente et élégante bâtisse, couchée

comme un animal sauvage, sûr de lui, sans peur.

Le bâtiment portait la mention THÉÂTRE

Au cours de mes 40 années en tant que musicien itinérant, j’ai appris que les théâtres sont

de bons endroits pour exercer cet acte à la fois excitant et effrayant qui est de monter sur

scène devant un public.

Je sais qu’il a un rideau rouge et lourd qui étouffe la rumeur du monde extérieur et ses

actualités sans fin ; qu’il y a un public qui s’est soigneusement préparé pour ce rendez-vous

et amène le plus précieux des biens : son attention !

J’aspire depuis longtemps à passer davantage de temps qu’une seule soirée de concert ; à

séjourner en travaillant avec l’équipage de l’un de ces grands navires fermement ancrés, au

cœur de l’une de ces merveilleuses machines, de ces vaisseaux des rêves.

La porte était ouverte. Les gens étaient accueillants, curieux et attentifs… Et ils m’ont

proposé de poser mes bagages, mes chansons, les paroles de mes amis Philippe Djian et

Martin Suter, mon premier synthé acheter en 1980, une boite à rythme poussiéreuse, une

guitare achetée tout de suite en sortant dans un magasin de musique à deux pas du

théâtre…oui, ils existent encore, ils n’ont pas tous disparu comme les magasins de disques. Il

y aurait, bien entendu, des histoires à raconter sur ce sujet. Bien des histoires…

Et si tout va bien, comme dans une chorale, la voix individuelle se fondrait dans quelque

chose de plus grand, de plus humain. Oui, peut-être que le mot « humain » est plus

approprié pour ces moments-là.

J’amènerais mes peurs, mon courage, mes inquiétudes et mes joies, à cette adresse exacte :

notre univers, notre galaxie, la Voie Lactée, notre système solaire, la planète Terre, l'Europe

– Le Théâtre

Et nous voilà, vous, moi et le hasard

Merci pour votre temps et votre attention

Coeurdialement

Stephan Eicher